Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le Bateau Zivre

Le Bateau Zivre
Publicité
28 mai 2006

Technicolor Mama'

don_t_look_up2

Je souffle sur la brise, comme une voile qui frémit, et doucement s'enlise, dans les plus douces rêveries

Mes cils sont trop lourds ; ils s'abaissent comme le parasol sur la plage, protecteur des enfants sages -- ses couleurs chatoyantes - dorées, rouges et argentes - sont traversées par des rayons bleutés, dans un ciel crême tâcheté du pâle or des jours.

Je souffle sur ta joue, et comme une larme, je roule dans ton cou ; bercés sont les charmes

Mes lèvres -- rosées comme une lune -- s'entrouvrent dans un "je respire" tout à fait comme pour lui dire : "Y a-t-il des rires couleur de prune ? Parce que, si les coeurs sont pommes, et les planètes oranges, alors quel parfum ont les ailes des anges ? Chocolat en somme, comme les mots de mes livres."

Je souffle sur ta brise, toi mon enfant endormie -- non, ne lève pas les yeux -- reste ainsi, je t'en prie...

Publicité
Publicité
28 mai 2006

L'illusion

light_bends_water
Ses pieds trempaient doucement dans l’eau claire. Quant à ses pensées, elles suivaient le cours sinueux de la rivière : il promenait son regard vide de poissons en poissons, d’algues en algues, de cailloux en cailloux et ainsi de suite sans s’arrêter une seule seconde. De temps en temps, un faible gazouillement montait de sa gorge et flottait quelques instants dans l’air frais. - Aujourd’hui, il y a une nouvelle pierre, tu vois celle qui a des reflets roses ? Mais ce jour-là, il n’y eut pas de réflexion tranquille et solitaire : seulement une longue plainte de chien blessé. De longs serpents noirs brillaient à la surface de l’eau, s’enroulant le long des algues, tels des monstres de brume maléfique. Et lui, il les pointait du doigt, affolé, étouffant d’angoisse. Son front était blême, et en quelques secondes, son visage s’était métamorphosé : figé en un rictus repoussant. Quelqu’un lança un bâton : les serpents éclatèrent, dessinant un ballet formé de mille petites gouttelettes d’encre noire. Et seuls quelques tourbillons vinrent encore troubler la surface. Pourtant, son angoisse ne s’était toujours pas calmée, ses yeux étaient encore plus exorbités, et il fixait à présent le « monstre » avec hargne farouche. Au moment où il allait sauter à l’eau, une infirmière lui prit doucement le bras et le raccompagna dans sa chambre. Et là, lentement, il sombra dans un sommeil sans rêve, que seuls les médicaments ont le pouvoir de générer.
25 mai 2006

Rêve en carton

girls
Elle se tenait devant le gigantesque panneau, les poings crispés et la bouche ouverte. Toute cette mièvrerie l’écœurait. Et tout ce rose, et toute cette tendresse, et toute cette innocence, et ce ciel gigantesque qui semblait ne jamais finir… ne jamais finir. Elle prit sa tête entre ses mains et s’appuya contre le mur sale, sur lequel trônait le superbe panneau publicitaire. Autour d’elle tout était gris – le lot quotidien de la ville – et seuls quelques bourgeons maigres et ternes poussaient comme des pustules le long de grandes branches décharnées - ces fantômes malades - dans le ciel gris. Avaient-ils besoin de rajouter ce vert éclatant tellement différent de la réalité ? Cela te balançait à la tête toute ta médiocrité, ta vie banale et triste. Et le pire, oui le pire, c’est que tout cela n’existait pas, ça se promenait le long des murs, dans les regards, dans les écrans de télévisions - ou d’ordinateurs -, mais cela n’existait pas, du moins pas pour elle. Elle n’avait jamais vu un ciel aussi bleu, une herbe aussi verte, et de gentilles petites filles habillées en rose. C’était tout simplement en dehors de toute réalité, un rêve stupide et dégoulinant de bons sentiments, un rêve figé comme une carte postale.
24 mai 2006

"Raconte-moi la Terre"

walking_on_shadows_b3  Le soleil claque ses fouets rutilants sur la terre dont la peau asséchée, fissurée à maints endroits, se craquelle dans un bruit sourd à chaque seconde qui passe. Le sol granileux se meut en épais nuages de poussières lorsque l'enfant le foule de ses pas. Au milieu des prairies de grains dorées, les ombres se poursuivent, léthargiquement. Elles lèchent la terre sans fin qui les accueille comme la toile vierge du peintre, sur lesquelles les formes se dessinent avec netteté, loin du chaos des couleurs et des lumières ; et puis elles ondulent sur les cailloux, dans les fissures, et même dans les petits trous que les insectes ont creusé ; et puis elles continuent, inlassablement, elles glissent encore et encore sur le sol brûlant, sans jamais le quitter.

  Il la tient par la main, et ne se retourne pas, même lorsqu'un peu de poussière parvient à se loger sur ses longs cils et qu'elle lâche le tissu de sa tunique qu'elle étreint pour essuyer ses yeux dorés. Sa haute silhouette la domine, son ombre porte plus loin que la sienne, là-bas, jusque là-bas, où cette petite fissure dans le sol a fait remuer sa nuque, et que sa petite ombre à elle ne peut atteindre.
  Un gazouillement.
  On aurait dit que l'ombre opiniait du chef.


  Plus loin, beaucoup plus loin, là où on ne peut pas aller, là où le Bleu touche le sol, des vapeurs s'échappent et déforment l'air, le temps, et l'espace. C'est la terre qui crie, c'est la terre qui hurle sa douleur sous les coups meurtriers de son astre.
  "Raconte-moi la Terre."
  Il reste silencieux. Il avance silencieusement en tenant sa petite main chétive et cuivrée.
  Leurs pas sont lents, et leurs ombres aussi, et les nuages de poussières qui se lèvent et qui retombent sont aussi lents et silencieux que lui.
  À la surface d'une aspérité, son ombre acquiesce une nouvelle fois.
  Alors... "Raconte-moi la Terre."
  Là-bas, tout là-bas, la terre hurle encore.
  L'ombre glisse, glisse, et puis acquiesce de nouveau.
  "Raconte-moi la..."
  Nouveau mouvement de tête. Mais il n'y avait pas de fissure cette fois-ci.
  Alors ses yeux dorés s'ouvrent grands, et elle écoute. Ses yeux dorés s'ouvrent grands, si grands, que les petits grains brûlants les emplissent, que le maigre souffle les illuminent, que le soleil les fait briller, que la terre entière s'y abîme.

22 mai 2006

Die Puppe

poupe_e

La musique bourdonnait dans ses oreilles, tellement forte qu’elle menaçait de faire exploser ses tympans. Nan mais quelle idée de l’avoir déposée près des enceintes de la chaîne stéréo ! Il y a cinq minutes, cela ne la gênait absolument pas, mais maintenant… maintenant c’était insupportable. Et dire quelle ne pouvait même pas bouger pour tourner ce fichu bouton. Elle aurait voulu hurler son indignation. Elle arrêta quelques instants le bouillonnement de ses pensées et rembobina. Faire exploser ses tympans ? Mais quelle idiote ! Aussi forte la musique soit-elle, elle ne pourrait jamais les faire exploser.
Soudain, une bourrasque de vent s’engouffra par la fenêtre. Lentement elle sentit sa tête basculer sur le côté, et son corps suivre le même chemin. Dans un bruit mat elle atterrit lourdement sur le parquet. Même pas mal ! La musique avait soudainement disparu, et seul un craquement inquiétant avait troublé le silence : sa robe s’était déchirée sur toute la longueur. De toutes les manières elle était moche ! Et puis, la prochaine sera sûrement bleue à rayures jaunes ! Ses lèvres vermeilles s’étirèrent en un sourire de délectation. Tiens elle pouvait bouger les lèvres maintenant ? Hum… peut-être que les jambes ne tarderaient pas à suivre. C’est vrai que maintenant, avec la technologie on pouvait presque tout faire.
En un bond elle fut sur ses pieds et elle s’avança péniblement vers la porte. Celle-ci était entrouverte, et derrière brillait l’obscurité du couloir. Enfin non, c’était plutôt les deux points jaunes qui brillaient dans le couloir sombre. Ils grossissaient petit à petit et soudain un croissant d’une blancheur éclatante apparut à leurs côtés. Tiens la lune et les étoiles ? Dans le couloir ? Cette maison était vraiment étrange.
Le chat ! Suite à ce brusque cri, elle reprit rapidement ses esprits : devant elle se trouvait toujours le piano de lego, et ses lèvres carmin étaient figées en un pâle sourire. Est-il vrai que les poupées rêvent ?

Publicité
Publicité
Publicité