Le soleil claque ses fouets rutilants sur la terre dont la peau asséchée, fissurée à maints endroits, se craquelle dans un bruit sourd à chaque seconde qui passe. Le sol granileux se meut en épais nuages de poussières lorsque l'enfant le foule de ses pas. Au milieu des prairies de grains dorées, les ombres se poursuivent, léthargiquement. Elles lèchent la terre sans fin qui les accueille comme la toile vierge du peintre, sur lesquelles les formes se dessinent avec netteté, loin du chaos des couleurs et des lumières ; et puis elles ondulent sur les cailloux, dans les fissures, et même dans les petits trous que les insectes ont creusé ; et puis elles continuent, inlassablement, elles glissent encore et encore sur le sol brûlant, sans jamais le quitter.
Il la tient par la main, et ne se retourne pas, même lorsqu'un peu de poussière parvient à se loger sur ses longs cils et qu'elle lâche le tissu de sa tunique qu'elle étreint pour essuyer ses yeux dorés. Sa haute silhouette la domine, son ombre porte plus loin que la sienne, là-bas, jusque là-bas, où cette petite fissure dans le sol a fait remuer sa nuque, et que sa petite ombre à elle ne peut atteindre.
Un gazouillement.
On aurait dit que l'ombre opiniait du chef.
Plus loin, beaucoup plus loin, là où on ne peut pas aller, là où le Bleu touche le sol, des vapeurs s'échappent et déforment l'air, le temps, et l'espace. C'est la terre qui crie, c'est la terre qui hurle sa douleur sous les coups meurtriers de son astre.
"Raconte-moi la Terre."
Il reste silencieux. Il avance silencieusement en tenant sa petite main chétive et cuivrée.
Leurs pas sont lents, et leurs ombres aussi, et les nuages de poussières qui se lèvent et qui retombent sont aussi lents et silencieux que lui.
À la surface d'une aspérité, son ombre acquiesce une nouvelle fois.
Alors... "Raconte-moi la Terre."
Là-bas, tout là-bas, la terre hurle encore.
L'ombre glisse, glisse, et puis acquiesce de nouveau.
"Raconte-moi la..."
Nouveau mouvement de tête. Mais il n'y avait pas de fissure cette fois-ci.
Alors ses yeux dorés s'ouvrent grands, et elle écoute. Ses yeux dorés s'ouvrent grands, si grands, que les petits grains brûlants les emplissent, que le maigre souffle les illuminent, que le soleil les fait briller, que la terre entière s'y abîme.